dimanche 20 août 2017

XVIèmes Rencontres de Die 2018 : Du vendredi 26 janvier au dimanche 04 février 2018...



Mieux vivre ensemble… Osons la fraternité !
XVIèmes Rencontres de Die 2018

Du vendredi 26 janvier au dimanche 04 février 2018

A Die, le Diois et dans la Biovallée
Réunion publique ouverte à toutes et tous de coconstruction du programme 2018 salle Fondgiraude de Die ce lundi 28 aout 2017 à 18.30 heures


 « Nous sommes dans une situation historique, ou l’humanité risque la sortie de route. Pour éviter la sortie de route pour l’humanité, il est très important de développer un imaginaire positif. Et l’imaginaire positif c’est du désir d’humanité. « Certes, l’humanité est au 21ème siècle confrontée à des rendez vous cruciaux sur lesquels elle joue sa propre existence ; mais de la même façon que le rameau hominien, qui a failli disparaître à plusieurs reprises, a été capable de se maintenir et de progresser, parce que il y a eut des sauts qualitatifs dans l’ordre de la conscience, à l’intérieur de l’évolution biologique nous sommes confrontés à un problème qui n’est pas dans l’ordre de l’évolution biologique, qui n’est pas dans l’ordre de l’hominisation mais qui est dans l’ordre de l’humanisation. » La question que posait Patrick Viveret « aux Rencontres de Die », en 2016 pose est « Comment grandissons nous en humanité ? Comment saisissons nous l’occasion de ces défis ? Défi écologique, défi de passer des guerres de civilisations à des dialogues de civilisations, défis d’une construction d’une citoyenneté et d’une démocratie mondiale. » La question est donc bien : « Quel est l’offre de projet de vie ? » Tant pour les individus que pour l’humanité.
Et c’est là, qu’il suggère de « produire de la haute qualité démocratique, c’est à dire une démocratie qui change la nature du rapport au pouvoir ». Il rappelle que c’est d’ailleurs le cœur du programme auto-gestionnaire , et remarque qu’il y a une formidable actualité de la question auto-gestionnaire ; parce que « la question humaine c’est la question de l’auto-gouvernance de l’humanité par elle même ».
Il y a eu un moment donné où, pour faire vraiment de la politique, il fallait construire la mutation d’une société qui était une société civile en une société civique. C’était l’émergence de tous ces mouvements de citoyenneté active dont le mouvement alter-mondialiste est une des formes. Mais je considère qu’il s’agit toujours d’un enjeu de nature politique. Il n’y a pas en effet une exclusivité des partis politiques sur la question politique.
L’humanité risque la sortie de route
Nous sommes dans une situation historique où l’humanité risque la sortie de route. C’est le point majeur à partir duquel il nous faut raisonner. L’humanité est une espèce extraordinairement jeune, par rapport à d’autres espèces animales et cela même si nous prenons le rameau hominien dans son ensemble.
C’est bien sûr encore plus le cas si nous nous centrons sur le prétendu Homo Sapiens Sapiens dont Edgar Morin a raison de dire qu’on ferait mieux de l’appeler Homo Sapiens Démens, car sa folie est au moins égale à son génie ! Qu’est ce que cent mille ans dans l’histoire d’une espèce ? Ce n’est pas faire du catastrophisme que de dire que cette espèce extraordinairement jeune risque la mortalité infantile.
C’est à dire que nous sommes dans une situation ou les conditions, soit de notre propre auto destruction soit de la destruction des conditions écologiques de notre habitat, soit, ce qui est plus subtil et qui est également très important, la destruction de notre désir d’humanité sont réunies. En effet, derrière le més-usage des conditions du vivant, dont le clonage n’est que la forme émergée, il y a des éléments beaucoup plus fondamentaux dès lors que l’espèce humaine est en train d’acquérir les conditions de sa propre production et donc, éventuellement, de sa propre mutation, d’ou l’enjeu du débat autour de la post humanité. Quand on rassemble ces trois grands risques, le fait que depuis Hiroshima l’humanité s’est constituée comme sujet négatif de sa propre histoire et qu’elle ne se réussit pas à se re-construire en sujet positif de sa propre histoire, le fait que si l’humanité détruit les conditions de son habitat écologique et le fait qu’elle ne porte pas en elle un désir d’humanité suffisant, cette humanité là peut parfaitement voir sa propre aventure se terminer , et se terminer en tête à queue !
Çà n’est pas une question de millénaire. C’est quelque chose qui commence à se jouer, et dont une partie non négligeable va se jouer dans le siècle qui vient. Et de tous les débats fondamentaux que nous devons avoir, celui concernant la capacité à construire l’humanité en sujet positif de sa propre histoire est probablement le plus essentiel. Ce débat correspond par excellence à l’ambition la plus radicale et en particulier dans sa vocation internationaliste. Pour éviter la sortie de route pour l’humanité , il est très important d’avoir un imaginaire positif. Autant, comme le disait Hans Jonas dans « Le principe responsabilité », il existe une heuristique de la peur, autant une lucidité sur la gravité des risques est évidemment nécessaire. Sinon nous sommes dans la politique de l’autruche.
Fournir un imaginaire positif
Il est insuffisant d’intervenir simplement sur les peurs, parce que, inévitablement, la peur finit par générer de l’impuissance et de l’angoisse. Nous avons l’obligation de fournir de l’imaginaire positif, et l’imaginaire positif c’est précisément du désir d’humanité. C’est le fait de dire, certes l’humanité est au 21éme siècle confrontée à des rendez vous cruciaux sur lesquels elle joue sa propre existence ; mais de la même façon que le rameau hominien a failli disparaître à plusieurs reprises : parce que c’était l’espèce la plus vulnérable, il a été capable de se maintenir et de progresser, parce qu’il y a eut des sauts qualitatifs dans l’ordre de la conscience. A l’intérieur de l’évolution biologique nous sommes confrontés à un problème de même nature qui n’est pas dans l’ordre de l’évolution biologique, qui n’est pas dans l’ordre de l’hominisation mais qui est dans l’ordre de l’humanisation : « comment grandissons nous en humanité ? ». Comment saisissons nous l’occasion de ces défis ? Que soit le défi écologique, que soit le défi du passage des guerres de civilisations à des dialogues de civilisations, que ce soit les défis de la construction d’une citoyenneté et d’une démocratie mondiale. Comment les saisissons nous, de telle façon que l’humanité puisse à travers ces rendez vous critiques franchir un saut qualificatif de sa propre histoire ?
Les enjeux passionnels et émotionnels sont déterminants
Alors, là, nous tombons sur une question qui est rarement évoquée, en particulier sur le plan politique : les enjeux passionnels et émotionnels sont déterminants. La définition la plus classique du développement durable, c’est à dire la capacité à satisfaire les besoins de la génération présente, sans hypothéquer ceux de la génération future ». Une définition qui, certes, représente une avancée considérable mais qui reste sur le plan anthropologique une définition faible et réductrice, précisément parce qu’elle raisonne en terme de besoin. Au sens strict, le besoin est ce qui permet à une espèce ou à un individu de se maintenir en vie, et de progresser dans sa propre reproduction et conservation. Or les problèmes de besoin sont des problèmes simples à résoudre.
Ce qui est compliqué, pour l’humanité ce n’est pas du coté du besoin, c’est du coté du désir et de l’angoisse. Prenez les chiffres officiels du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) : avec 50 milliards de dollars supplémentaires par an, on pourrait éradiquer la faim dans le monde, permettre l’accès à l’eau potable pour les 6 milliards d’êtres humains, assurer les soins de base. Ce n’est pas un problème de rareté, ni physique, ni technologique, ni monétaire, qui crée les condition du mal-fonctionnement mondial. Alors qu’on n’arrive pas à trouver ces 50 milliards de dollars supplémentaires, on en trouve 10 fois plus (500 milliards de dollars annuels) rien que pour les dépenses de publicité, sans parler des dépenses d’armement (900 milliards de dollars par an) ou celles consacrées aux stupéfiants (400 milliards de dollars par an).
Cà veut dire quoi ? Cela veut dire que le problème majeur du mal-développement mondial n’est pas un problème de rareté et d’une logique linéaire du développement, où il y aurait d’un coté des développés et de l’autre des « en voie de développement » et dans notre grande compassion on serait prêts à faire des transferts de richesse pour accélérer ce développement. Le problème principal, ce qui est au cœur des 900 milliards de l’armement c’est la gestion de la peur et de la domination : c’est typiquement un enjeu passionnel. Ce qui est au cœur des 500 milliards de dollars sur la publicité, est au cœur du problème de la gestion du désir dans nos sociétés. Ce qui est au cœur des 400 milliards autour des stupéfiants c’est que nous sommes dans des sociétés toxico-maniaques.
La cupidité et le désir de possession au cœur du mal développement mondial
Fondamentalement, quand le seul projet de vie qui est proposé, dans une société de marché, est de devenir un producteur compétitif cela veut dire que, comme le dit aussi bien le discours économique que médical dominant, dans cette perspective la vie est un combat qui de toute façon se termine mal. La mort est un échec, la vie est un combat. C’est une vision totalement désespérante. Sur les deux questions fondamentales de l’être humain qui sont la question de l’amour et la question du sens, qui sont les deux ressources passionnelles majeures de tout être humain, la réponse est qu’il n’y a pas de sens et autrui est une menace. Nécessairement sur le plan émotionnel, cette réponse est une source de désespoir et ce désespoir comment est-il compensé ? Il est compensé par un processus d’oubli, d’excitation et de divertissement au sens pascalien du terme et nos sociétés sont des sociétés maniaco-dépressives. Elles compensent en permanence leur vide de projet, leur angoisse dans leur rapport à autrui et dans le rapport à l’avenir par de l’excitation et dans les modalités de l’excitation vous n’avez pas simplement les drogues sous les différentes formes, les drogues classiques plus de l’alcool, du tabac, vous avez de la drogue sous la forme de la richesse monétaire, la drogue du pouvoir, celle de la gloire, etc.… C’est-à-dire que l’on a fondamentalement un mécanisme comparable au mécanisme toxicomaniaque où la situation profonde de mal être que génère cette source de désespérance est compensée par de la dose qui au fur et à mesure qu’elle est prise fait la preuve de sa vacuité et donc il y a un « toujours plus ».
C’est ce que Gandhi avait appelé « la cupidité et le désir de possession » : quand je prends mes chiffres des Nations Unies, mes 50 milliards d’un côté qu’on n’arrive pas à trouver et puis de l’autre mes 900 milliards plus mes 500 milliards plus mes 400 milliards de dollars qu’on trouve par ailleurs. Gandhi avait dit : « il y a suffisamment de ressources sur cette planète pour répondre aux besoins de tous, mais il n’y en a pas assez s’il s’agit de satisfaire la cupidité de chacun » ... Et singulièrement la cupidité des acteurs qui sont les grands malades, les plus avancés dans la toxicomanie de la passion de pouvoir ou de la passion de richesse.
A côté des enjeux des éco-systèmes, des enjeux des socio systèmes qui sont bien évidemment des enjeux structurants, il faut traiter aussi les enjeux passionnels, les enjeux émotionnels. Je propose de les appeler enjeux des « écosystèmes émotionnels » ou des émo-systèmes. Il s’agit des conditions dans lesquelles des êtres humains peuvent aller dans une évolution extraordinairement plus large que beaucoup d’autres espèces, vers des situations qui tendent vers le meilleur de l’humanité mais qui peuvent aller également vers le pire de l’inhumanité. Vous ne trouvez dans aucune autre espèce l’équivalent des conditions de carnage qui, de la Saint-Barthélemy au Rwanda en passant par Auschwitz, montrent le degré de maltraitance dont l’espèce humaine est capable aussi bien à l’égard des autres espèces qu’à son propre égard. Cette question de la production du désir d’humanité et de la façon dont on travaille sur les environnements écologiques, sociologiques et émotionnels, sur des espaces qui font que ce soit le meilleur de l’humanité plutôt que le pire de l’humanité qui l’emporte c’est typiquement une question qui est à la convergence du meilleur de la tradition socialiste et du meilleur de la tradition écologiste.
Revisiter la question de la richesse
Alors pour faire ça il faut aussi aller s’attaquer à deux points durs sur lesquels la tradition socialiste a, à mon avis, laissé en grande partie le chantier en friche. C’est précisément la question qui a été amené à travailler ces dernières années avec le « rapport à la richesse » de Patrick Viveret : il s’agit de revisiter profondément la question de la nature même, de la définition, de la production et de la richesse. Une convention historique s’est élaborée, une sorte de compromis historique, culturel, entre la tradition marxiste, la tradition libérale et la tradition keynésienne qui s’est construite dans l’entre-deux-guerres, et qui s’est formalisée dans l’après-guerre avec les systèmes de comptabilité nationale, avec la représentation de la richesse avec l’agrégat le plus connu qui est bien évidemment le PIB et qui ont comme caractéristique d’avoir une vision totalement étriquée de la richesse et en grande partie contre-productive sur les deux questions fondamentales sur lesquelles en définitive l’humanité joue justement son avenir. Ces deux questions sont d’un côté la question écologique et de l’autre la question humaine dans toute son épaisseur, la question sociale étant évidemment l’un des enjeux majeurs de la question humaine mais la question humaine ne se réduit ni à la question écologique ni à la question sociale.
Sur le plan écologique, notre vision de la richesse est quasiment inversée. À partir du moment où on définit la richesse comme ce qui est rare est cher, tout bien qui a la malencontreuse idée d’être abondant et gratuit est du même coup considéré comme non richesse et à ce moment-là des biens écologiques fondamentaux ne prennent de la valeur au sens économique du terme qu’à partir du moment où ils sont en voie de destruction ou de pollution. L’eau, l’air, etc. n’ont pas de valeur mais à partir du moment où il va falloir construire une industrie de l’assainissement, de la dépollution, etc. ils vont prendre de la valeur. Il en est de même d’ailleurs dans le rapport de l’eau et de l’amour. Dans nos systèmes de comptabilité nationale, les rapports amoureux n’existent que pour autant qu’ils sont tarifés. Ils n’ont aucune valeur s’ils sont gratuits. Donc vous avez un changement radical sur la perception de la richesse. C’est l’un des programmes majeurs d’un socialisme écologique, j’appelle cela programme amour / eau fraîche, qui contrairement à ce que l’on pourrait penser, est un des éléments fondamentaux de la construction du désir d’humanité.
Il s’agit donc de remettre en question des modes de représentation, et évidemment de calcul de la richesse parce que derrière les comptes, vous avez des contes, je veux dire que derrière des comptes, vous avez des choix de société, vous avez des récits. L’identité narrative dont parle Paul Ricœur, ce sont les contes. Vous avez un récit narratif qui s’est construit autour du couple de la guerre et l’industrie dans l’entre-deux-guerres et qui s’est formalisé dans l’après seconde guerre mondiale. Ce récit narratif est totalement inadapté aux questions politiques, économiques, sociales et écologiques qui sont devant nous.
Et s’attaquer à ces questions apparemment techniques qui sont celles de la représentation, du calcul de la richesse est tout à fait décisif.
Il existe une convention totalement inacceptable qui fait que d’un côté il y a des acteurs qui sont censés être des producteurs de richesse, sous-entendu les entreprises et d’autre part des catégories qui sont censées être des ponctionneurs ou des préleveurs de richesse. Quand la société accepte cette convention elle est déjà en posture défensive. Or cette convention doit être remise en cause. Une fois que vous avez accepté de dire que la totalité du travail domestique, qui représente en temps humain un temps très nettement supérieur à ce que représente le travail au sens statistique du terme, n’a pas de valeur. Quand vous avez accepté de considérer que le bénévolat en termes économiques n’a pas de valeur, vous êtes déjà dans la posture défensive puisque vous êtes condamnés dans cette logique là où d’un côté il y a des producteurs et de l’autre des préleveurs et des ponctionneurs à faire que les objectifs de justice sociale inévitablement vont être perçus dans le débat démocratique comme un prélèvement supplémentaire sur la richesse. Il va falloir plus d’impôt, plus de cotisations sociales, etc. Si on veut mettre en cause complètement en question ceci, il faut attaquer et renouveler très profondément la façon dont on nomme, dont on représente et dont on compte la richesse.
Revoir le rapport à la monnaie
Il faudra faire la même opération sur quelque chose qui est encore plus tabou et plus insensé qui est le rapport à la monnaie. Les conditions dans lesquelles on produit, on émet, on fait circuler les monnaies, correspondent à une situation de captation qui est totalement gravissime sur le plan démocratique. La construction d’un autre rapport à la monnaie est essentielle, de façon à ce que la monnaie joue son rôle majeur qui est un rôle de facilitation d’échange et d’activité. Alors qu’aujourd’hui, par rapport à cette fonction centrale, nous avons des monnaies qui sont en situation de contre productivité. Pour reprendre l’analyse fameuse d’Ivan Illich : pour 3 milliards d’êtres humains la monnaie ne joue pas son rôle de facilitateur de l’échange et de l’activité puisqu’il n’y a pas, ou pas assez de monnaie. Quand vous avez 3 milliards d’êtres humains qui n’ont pas accès aux crédits bancaires , ou qui vivent avec moins de 1 ou 2 dollars par jour, et bien cela veut dire que la monnaie ne remplit pas son rôle. Donc il y a une sous monétarisation à un pole et sur monétarisation à un autre pole : aujourd’hui dans le monde, 225 personnes disposent d’une fortune totale qui est égale aux revenus cumulés de 3 milliards et demi d’êtres humains ! C’est tout simplement de l’hyperinflation dans l’économie spéculative. Vous remarquerez d’ailleurs que le phénomène de toxicomanie maniaco-dépressive que j’évoquais tout à l’heure, atteint précisément dans l’économie spéculative sa forme la plus radicale . Rappelez vous ce disait le « Wall Street Journal » au moment du krach de 1987 : « Wall Street ne connaît que deux sentiments : l’euphorie ou la panique ». L’économie spéculative est une économie de la drogue au sens propre comme au sens figuré. Arrêtons de faire cadeau des libertés au capitalisme
Pour faire converger le meilleur de la tradition écologique et le meilleur de la tradition socialiste, faire converger, dans une perspective planétaire, la construction européenne et la construction de l’identité française par rapport à ce double enjeu écologique, et ce double enjeu de la question humaine et de la question sociale ; alors, le cœur de ce projet c’est effectivement de penser une alternative aux logiques de guerre ... et aux logiques de guerre dans le rapport à la nature. Souvenons-nous de l’une des phrases les plus significatives de la modernité prononcée par le philosophe Francis Bacon, qui fait apparaître notre Descartes extraordinairement timide. Bacon a osé dire ceci : « la nature est une femme publique, il nous faut la mater, en pénétrer les secrets et la plier à nos désirs ». Il y a un lien profond entre la posture machiste et la posture anti écologique. L’enjeu est bien de sortir du rapport guerrier à la nature, du rapport guerrier à autrui, du cœur même de la logique de ce qu’il faut bien appeler, non pas du libéralisme, mais du capitalisme autoritaire. Arrêtons de faire des cadeaux au capitalisme ! On lui avait fait cadeau de la mondialité, heureusement maintenant avec cet autre imaginaire, qui est « qu’un autre monde est possible », il y a une réappropriation démocratique positive de la mondialité. On sait bien aujourd’hui que le temple de l’anti-mondialisation est à Washington. C’est là que partout où il y a du projet de régulation mondiale nous avons, arc-boutée, l’administration américaine contre tout projet de régulation écologique, contre toute régulation judiciaire : la Cour Pénale Internationale, contre toutes réformes des Nations Unies qui iraient dans le sens d’une régulation mondiale. Donc de la même façon que nous avons commencé à réincorporer l’imaginaire positif de la mondialité en le remettant dans la trajectoire historique de l’internationalisme, il nous faut faire la même chose sur la question des libertés et arrêter de faire cadeau au capitalisme des libertés et du libéralisme ! Rappelons nous la distinction majeure de Fernand Braudel entre marché et capitalisme, ou la distinction de Polanyi entre économie de marché et société de marché. Le capitalisme est une logique de puissance qui détruit tous les échanges, y compris les échanges économiques marchands. Il faut de la régulation pour maintenir l’échange y compris des marchés c’est en ce sens que les marchés et les économies sociales des marchés des Etats providences sont en grande partie une conquête des mouvements ouvriers, parce que le cadre juridique, politique qui permet la régulation est le cadre même qui permet d’éviter la destruction par le capitalisme des logiques d’échanges, y compris des logiques d’échange marchands.
Grandir en humanité
Sortir de la logique de guerre dans les rapports à autrui c’est arrêter de considérer que la vie est un combat perpétuel contre autrui, que cet autrui soit l’autre personne, ou l’autre peuple ou n’importe quelle catégorie d’acteurs. L’aventure humaine doit être vécue comme une aventure mystérieuse, dans laquelle les autres sont des compagnons de voyage dans cette aventure, et du même coup sortir, aussi, de la logique de guerre dans le rapport à soi -même. De la même façon que vous avez une tension dynamique entre le local et le global, il nous faut penser l’autre tension dynamique qui est entre le personnel et le mondial. L’enjeu de l’aventure humaine se joue simultanément pour la collectivité humaine dans son ensemble et dans chacune de nos propres vies. Comment pouvons nous échapper aux logiques de peur ? Et de désespérance ?
Comment pouvons nous échapper dans nos propres vies aux logiques de guerre ? Qu’est ce que la guerre intérieure contre soi ? Et bien, c’est cette situation permanente de la tension (en 2 mots ) alors que l’alternative positive : ce que disent, par exemple, des sagesses ou des traditions, c’est l’attention (en un seul mot), c’est l’art de vivre « à la bonne heure », l’art d’être intensément présent à l’aventure de vie, et de vivre le présent comme un cadeau. La captation du temps, soit par la passion de richesse monétaire dans le capitalisme soit par la passion de puissance telle que le collectivisme d’état nous l’a dévoilée, est en permanence un système de dépossession du temps présent au nom d’un avenir futur. Le temps ne devient de l’argent que parce que c’est un temps mort, qui devient de l’argent ou qui devient du pouvoir en terme du passion de puissance ; donc, l’art de bien-vivre devient ou redevient une question politique centrale. Le mal développement mondial, qu’on retrouve dans les 900 milliards de dollars de la peur et de la domination de l’armement, dans les 500 milliards de dollars de la publicité, dans les 400 milliards de dollars des stupéfiants, vient d’un dérèglement majeur du désir en désir de possession. La façon dont nous changeons la nature de nos désirs, pour que la nature du désir soit un désir dans l’ordre du développement de l’être et pas simplement de l’avoir est une question qui avait déjà été posée en son temps par Marx avec celle du passage du règne de la nécessité au règne de la liberté : la liberté n’est un cadeau pour l’humanité, individuellement ou collectivement que, pour autant que nous sommes capables de « grandir en humanité ».
Produire de la haute qualité démocratique
Et cette question là est éminemment une question politique, ce n’est pas simplement une question privée ou une question personnelle, il faut construire la question humaine comme question politique et du même coup, et c’est mon dernier point, l’enjeu démocratique et l’enjeu d’une mutation de la qualité démocratique devient déterminant. Tant que la démocratie reste une forme historique de démilitarisation de la lutte pour le pouvoir, c’est évidemment un progrès formidable dans l’histoire humaine, il suffit de voir ce qui se passe à chaque fois que la lutte pour le pouvoir devient ou redevient violente. Mais si elle reste la lutte pour le pouvoir, en tant droit à dominer autrui, cette forme démocratique là n’est pas en état de traiter la plupart des questions qui sont devant nous, du niveau le plus global au niveau le plus local. Face à des questions ou le degré de complexité est important, où on ne peut pas dire que les choix se présentent d’une façon binaire ; une démocratie qui se définit simplement par une origine quantitative du droit à dominer autrui, ne peut pas traiter ces questions là. Donc nous avons besoin de produire de la haute qualité démocratique, c’est à dire une démocratie qui change la nature du rapport au pouvoir. C’est ce qui était d’ailleurs le cœur du programme auto-gestionnaire. Il y a une formidable actualité de la question auto-gestionnaire ; parce que la question humaine c’est la question de l’auto-gouvernance de l’humanité par elle même ... ce qui est la question auto-gestionnaire par excellence ! Eh bien ; on ne peut construire de la qualité d’ auto-gouvernance de collectivités humaines que pour autant que la démocratie se définit par la qualité de formation du jugement civique, c’est la qualité de citoyenneté, beaucoup plus que la quantité originaire du nombre de gens qui définit une ligne qui devient à ce moment là le critère des civismes.
Mieux vivre ensemble… Osons la fraternité !
Et là nous avons des questions qui sont très concrètes. Ca me passionne tout à fait. C’est pour ça que j’ai accepté de revenir dans des lieux, parce je pense aujourd’hui, qu’entre les acteurs de cette société non seulement civile mais civique internationale et des acteurs membres des partis, il y a un enjeu absolument considérable à construire un processus de qualité démocratique large, tel que ce soit des millions de personnes et non pas des milliers de personnes, qui construisent le processus qui donnera une réponse de qualité démocratique à des enjeux tels que 2020 pour la France ou aux enjeux de même nature qui sont devant nous sur le plan européen ou sur le plan mondial. Et donc si on lie ces questions là, il y a bien une tension dynamique entre des enjeux de transformation collective sur le plan écologique et social, mais aussi des enjeux de transformation personnelle qui doivent être pensés, non pas contradictoirement, mais de façon complémentaire et dynamique.
Ecologie au Quotidien Rhône-Alpes
Texte de Patrick Viveret aux Rencontres de Die, (réactualisé)
Le Chastel 26150 DIE, France
Tel : 04 75 21 00 56       
Vidéos des Rencontres de l'Ecologie
Film de 1,56mn : http://www.terrealter.fr/voir.php?id=4
2009 Film de 2,30mn : http://www.dailymotion.com/video/xa2yh4_ecologie-au-quotidien_webcam?from=rss
« Réseau Diois Transition Biovallée de la Drôme »
Membre du réseau CENTRE : European Network of Bio-Districts

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